TERRE
VALAISANNE ! Quelle belle consonance, quelle rudesse dans le mot
« Terre », quelle douceur dans « Valaisanne ». En
prononçant ce titre, des images surgissent, grandioses par les
cimes et les glaciers, humbles et touchantes par les gestes des
hommes sur les terres cultivées. De belles images en mouvement
dans le déroulement de ce film magnifique, des couleurs
naturelles, nuancées, chatoyantes, ne peuvent que nous
émerveiller. Devant l’oeuvre de Roland MULLER, nous oublions
bien vite la technique, car il nous transporte sur un tout autre
plan, celui de la beauté.
Les images qui
se succèdent dans ce film sont si belles dans leur composition,
leur motif, leurs couleurs, qu’elles prennent une valeur de
tableau. Des paysages millénaires de roc et de glace, des
torrents, des bisses, un fleuve, des touffes de fleurs
alpestres, des vignes au premier printemps, aux vigoureux
sarments, des vignes en automne, aux raisins toujours plus
traversés de soleil, des champs de seigle sur les pentes en
plein été et puis la main de l’homme s’emparant précieusement de
tous les fruits que la terre dispense de la plaine aux alpages.
Dans ce film, on se sent très près des rudes montagnards
abandonnant quelques instants leurs travaux pour se réjouir à
une noce villageoise et pour dérouler, dans les prairies
reverdies, une longue procession d’uniformes antiques, de
costumes multicolores et de bannières folâtrant. Et puis, voici
les moissons, le moulin ancestral, le four banal où l’on fait le
pain, répétant des gestes séculaires et presque rituels.
Multiples visions, jamais fades et ennuyeuses, qui nous font
pénétrer l’âme valaisanne fière et dure parce que la vie est
âpre et difficile, mais belle tout de même pour ceux qui la
vivent. Tandis que nos yeux restent grands ouverts sur la terre
valaisanne, l’on entend une voix au timbre sonore mais discrète
nous présentant par quelques phrases sobres et empreintes de
poésie toutes les beautés et les richesses de ce pays. C’est le
texte d’Aloys TEYTAZ, alternant avec la musique de Jean
DAETWYLER.
Roland MULLER a
vu le Valais avec son cœur, et c’est au hasard de son
inspiration, en communion avec le pays lorsque son regard en
avait capté toute la beauté et qu’il désirait intensément la
fixer, c’est alors qu’il a pesé sur le déclic d’une main
vibrante d’émotion. Et cette émotion, il nous la transmet dans
son œuvre, nous voyons ce qu’il a vu dans les moments de
splendeur, nous sentons ce qu’il a rêvé dans les moments de
contemplation, nous sentons ce qu’il a aimé dans les moments où
son regard était penché sur les humbles travaux.
Ce film a
remporté en 1953, à Cannes, la coupe du meilleur film amateur en
couleurs avec félicitations du jury. Réalisé avec des moyens
très modestes, il a demandé plus de trois ans de travail à son
auteur. Trente nations s’étaient donné rendez-vous à cette
manifestation. Le jury a visionné plus de trois cents films. Et
sur ces trente nations et ces trois cents films, Roland MULLER
est sorti le premier !
Ce film est
digne de la beauté et de l’humanité du pays qu’il évoque et dont
il retrace les phases essentielles de la vie.